EVO MESSI o EVO NO ?
Où on évoque une ascension fulgurante, une faute politique de taille, les travaux publics et le football...
A tout seigneur tout honneur. Difficile de ne pas consacrer à Evo Morales le premier article de ce blog. Evo (comme l’appellent tous les Boliviens) est issu d’une famille pauvre aymara et doit émigrer dans la région fertile du Chaparé pour se muer à la fois en cocalero (cultivateur de coca) et en un leader syndicaliste reconnu et craint par le pouvoir. Il entame une carrière politique en 1999 au sein du MAS (Movimiento al socialismo). Son intelligence politique, sa popularité auprès des Amérindiens (majoritaires en Bolivie) lui permettent en 2006 de devenir le premier Président indigène d'Amérique latine. Dans un pays champion du monde des coups d'état et des gouvernements éphémères, Evo s'offre trois réélections successives qui valident ses options politiques : nationalisation des industries de matière première (même si les multinationales ne sont pas mises à la porte), développement de l’éducation avec une campagne d’alphabétisation, accès pour tous à la santé, hausse du revenu minimum, développement de la parité et respect des minorités. D'une forte charge symbolique, l'avènement en 2009 de l’état plurinational reconnaît 34 langues indigènes et donne la possibilité aux représentants des communautés d’accéder aux responsabilités…
Des nuages dans le ciel de La Paz
Mais au fil des mandats et des casseroles de plus en plus nombreuses trimballées par l’« hermano Presidente », son avenir politique qui se jouera en 2019 lors des prochaines présidentielles n’a plus la limpidité du ciel de La Paz. Evo est accusé de corruption à la suite d’une sombre affaire où il aurait favorisé une ancienne compagne (le Président à près de 60 ans est resté célibataire). On lui prête un certain immobilisme face à la gangrène du narco-trafic, son passé de cocalero l’incitant à défendre avec un peu trop d’ardeur les vertus traditionnelles de la feuille de coca et les paysans qui en vivent. Le camarade Président multiplie également les entorses aux droits des peuples indigènes et les atteintes à la terre nourricière (Pacha Mama) qu’il prétend pourtant défendre en développant sans concertation voies de communication et complexes industriels, certes indispensables au développement du pays. Les objectifs de lutte contre la pauvreté, d’éducation et de santé progressent très lentement malgré une hausse constante du PIB et l’enrichissement préservé des investisseurs et des industriels.
Plus qu’une erreur, une faute
De surcroit, Evo traîne comme un boulet une erreur politique notoire. En février 2016, il organise un référendum pour demander à son peuple de modifier la Constitution du pays qui lui interdit de se représenter une quatrième fois C’est le non qui l’emporte avec 51,3 % des suffrages. Qu’à cela ne tienne, Evo s’assoit sur ce résultat au motif de la campagne de dénigrement dont il a fait l’objet et du faible différentiel de voix et demande au Tribunal constitutionnel, qui s'éxécute derechef, de l’autoriser à nouveau à se présenter en 2019. Ce camouflet à la démocratie donne naissance au mouvement du 21 février. Piloté par de nombreuses associations et mouvements politiques ce foyer quasi-insurrectionnel est particulièrement vivace dans la riche région de Santa Cruz qui manifeste depuis un moment déjà des velléités indépendantistes (écouter le dernier rap anti Evo en vogue à Santa Cruz). Pour éteindre les braises, Evo déjà en campagne, s’est déplacé à San Jose de Chiquitos pour inaugurer la mise en chantier de la route San Jose-San Ignacio de Velasco. Un ruban d’asphalte attendu par les communautés chiquitanias qui vivent de l’agriculture et qui favorisera le développement touristique d’une zone abritant les splendides missions jésuites du XVIIe Siècle. C’est là que nous l’avons croisé en personne sur la place de San Jose au milieu de ses supporters et des chiquitaniens venus lui réclamer qui une connexion au réseau d’eau potable, qui une école, qui un bisou pour leur petite dernière…
Evo, Vladimir et Emmanuel, même match ?
Sinon Evo est aussi un fan de foot. Il a même signé à 57 ans une licence dans un club pro bolivien. Ca le rendrait plutôt sympa, même s'il se montre parfois mauvais joueur. Sauf que l’autre jour on est tombé sur un match de foot en salle à la télé où l’équipe du Président affrontait l’équipe municipale de Potosi. Complaisance des adversaires, soumission totale des partenaires uniquement obnubilés par la volonté de faire briller le camarade Président auteur d’une bonne dizaine de buts… Le match avait tout d’une démonstration de hockey à la Poutine ou de la prestation tennistique de Macron sur la place de la Concorde. Fais gaffe Evo à ne pas te prendre pour Messi, ça pourrait mal finir…