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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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10 juin 2019

Petit à petit le gringo fait son NIT

nitCitoyens français qui venez à peine de comprendre le nouveau système de retenue à la source et de boucler au dernier moment, comme d’habitude, votre déclaration d’impôt, ces quelques lignes devraient vous faire comprendre votre bonheur. Le gouvernement bolivien, sans conteste un des leaders mondiaux depuis des décennies en termes de dispositions bureaucratiques absconses et interminables, a mis au point un mode de prélèvement de l’impôt national qui génère chez les contribuables qui y sont soumis des taux record de pétages de plomb majuscules, de disputes conjugales et de torgnoles dispensées au malheureux rejeton qui n’en peut mais, sans compter la consommation illicite de Lexomil, considéré comme une drogue dure en Bolivie.

A la source et à la Bolivienne

Au départ, sans doute la volonté d’établir un système de collecte performant et contrôlable dans une société où la resquille et la débrouille sont des sports nationaux, où le fonctionnement de la Poste nationale n’est plus qu’un souvenir du 20ème siècle et où les transactions économiques se règlent plus souvent à coups de clins d’œil et de poignées de mains qu’avec des factures et autres tickets de caisse. Allons-y pour une tentative d’explication. Chaque personne morale ou privée se voit attribuer par le ministère des impôts le fameux NIT (numéro individuel de tributaire) qui va lui servir de laisser-passer pour entrer dans l’univers kafkaïen des déclarations de recettes et de dépenses. Pour le contribuable individuel, l’impôt national est, comme en France dorénavant, prélevé directement sur le salaire selon un taux calculé en fonction du montant de celui-ci. La subtilité bolivienne est la suivante : chaque dépense effectuée dans le cadre de l’économie formelle et en direction d’une entreprise nationale entraîne, sur justificatifs, une réduction d’impôt proportionnelle. A charge pour l’entreprise en question de reverser la somme à l’Etat, lui permettant ainsi d’y retrouver son compte. A ce stade de la chronique, autorisons le courageux lecteur encore présent à prendre une pause Efferalgan (en vente libre en Bolivie) et  concluons le paragraphe en saluant l’inventivité et les bonnes intentions d’un dispositif qui permet à la fois d’encourager la consommation et donc la croissance économique et de privilégier les entreprises boliviennes qui acceptent de rentrer dans le cadre légal.

Cas d’école (française)

Passons maintenant aux travaux pratiques en étudiant le cas d’un contribuable lambda choisi au hasard. Doté d’un salaire brut confortable en Bolivie de 22 000 bolivianos mensuels, il devra déclarer 10 000 bolivianos de dépenses pour éviter toute déduction d’impôt (autour de 1000 bs sinon). Pour déclarer ces dépenses, le susdit contribuable se voit dans l’obligation de compléter un formulaire dans un logiciel dédié où il reportera soigneusement date et montant de la facture, son numéro de Nit et celui de l’entreprise ainsi que deux codes de vérification d’une dizaine de chiffres et lettres chacun. Ensuite, il transmettra le formulaire en question à son employeur en y joignant l’intégralité des factures qu’il aura bien sûr soigneusement conservées. Attention ! La moindre erreur de chiffre, la moindre case oubliée rend la déclaration nulle et non avenue et par la même occasion, la déduction. Pour le contribuable pris en exemple, cela représente entre 20 et 30 factures par mois à reporter. En proie à une presbytie galopante, peu doué pour l’archivage méthodique des tickets de caisse,  manquant singulièrement de rigueur et de concentration pour saisir des codes chiffrés, notre cobaye commet en moyenne 3 à 5 erreurs pour chaque déclaration mensuelle. Fort heureusement, le personnel administratif de l’établissement qui l’emploie procède à la vérification minutieuse des 75 fiches de ses salariés. Mais c’est au contribuable de corriger lui-même les erreurs signalées puisqu’il doit signer in fine sa déclaration avant transmission au service des impôts !

Tous les 15 du mois, date limite de déclaration, les foyers des salariés et les entreprises retentissent donc des invectives et des obscénités proférées par les contributeurs aux impôts soumis à ce supplice mensuel. Pour quelle efficacité ? Même dans une grande ville comme Santa Cruz, l’économie informelle reste dominante et il est toujours possible de négocier une petite ristourne dans la plupart des magasins si l’on accepte d’acheter une marchandise sans facture. Impôts, état-civil, immigration, santé publique, justice… Tous les rouages de l’administration bolivienne sont ainsi rongés par un cancer bureaucratique digne du Brazil de Terry Gillian. Une situation qui favorise le recours généralisé au petit billet glissé discrètement qui assouplit le fonctionnaire trop scrupuleux et simplifie miraculeusement les démarches les plus complexes.

Ah oui ! Un dernier petit détail pour votre prochain séjour en Bolivie. Quand la caissière du supermarché vous marmonne quelques paroles incompréhensibles que vous avez prises pour un mot de bienvenue, ne répondez pas : « ça va bien merci ! ». Elle vient de vous demander « Nit para su factura ? »

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