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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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1 décembre 2019

Péché d'orgueil

arton31698« Je n’ai intérêt à rien du tout, je ne suis pas et ne serai pas candidat » En ce dimanche 1er décembre, on espère que le très pieux et très occupé Luis Fernando Camacho trouvera cinq minutes pour passer à confesse car il vient en peu de temps de se rendre coupable de deux péchés capitaux qui pourraient peser dans la balance le jour du Jugement dernier. Après le mensonge, l’orgueil. En sortant du bois et en se déclarant premier postulant à la magistrature suprême, Luis Fernando vient en effet de rejoindre les rangs fournis des politiciens s’immergeant avec avidité dans la fontaine du pouvoir à laquelle ils avaient promis la main sur le cœur de ne pas s’abreuver. Pas vraiment une surprise pour l’observateur de la crise qui secoue la Bolivie depuis un mois. Idole des foules dans son fief de Santa Cruz, le leader du comité civique local avait pu mesurer lors de son déplacement mouvementé à La Paz précédant la démission d’Evo, un indéniable succès populaire dépassant largement sa province natale. De là à se sentir investi d’un statut et d’une mission de « libertador » de la Bolivie, il n’y avait plus qu’un pas que Macho Camacho a franchi avec son intrépidité et sa précipitation habituelles, démissionnant samedi 30 novembre de la présidence du comite civico pro Santa Cruz pour se déclarer officiellement candidat à des élections présidentielles dont la date et les modalités n’ont toujours pas été arrêtées.

Vite en besogne

Avec cette annonce intempestive, il se pourrait néanmoins que l’état de grâce qui transporte Luis Camacho depuis fin octobre prenne quelques volées de plomb dans l’aile et que les zones d’ombre du personnage et de son engagement « désintéressé » pour la Bolivie et son peuple supportent mal l’éclairage médiatique d’une campagne électorale. A commencer par son projet politique. Pour l’instant, il a le mérite de la simplicité. Il s’agit d’empêcher le retour du dictateur honni et de son parti le MAS et de bâtir « un scénario démocratique et alternatif pour une Bolivie nouvelle ». On fait difficilement mieux dans le genre flou et ramasse-tout (Empresidenta-Jeanine-Anez-presenta-mascota_LRZIMA20191129_0005_11manuel Macron ?). Mais comme le président Français, le chéri de ces dames risque de se cogner aux aspérités de la réalité et de salir un peu sa jolie chemisette blanche virginale. Il n'a pour l'instant la caution d'aucun parti. Comme l’ont montré les dernières élections, l’opposition à Evo Morales, divisée et inorganisée, rend difficile la constitution du front unique appelé de ses vœux par Camacho. Quid de de Carlos Mesa, le presque vainqueur du premier tour qui compte bien capitaliser ce résultat pour se poser en alternative crédible ? Quid de Marco Antonio Pumari, le leader des civicos de Potosi, allié de circonstance et caution indigène de Camacho durant le mouvement, qui a affirmé lui aussi son intention de s’engager dans le combat électoral. Le Cruceño a déclaré vouloir faire du Potosino son vice-président sauf que celui-ci n’a pour le moment pas vraiment donné son accord ! Quid de Jeanine Añez qui semble prendre goût à  sa présidence intérimaire (elle a même installé son chien au Palacio quemado) au même titre que  ses ministres temporaires porteurs d’une conception toute personnelle de la démocratie qui se passe allègrement de la séparation des pouvoirs et de la légitimité des urnes ?

Président cherche projet

Car il ne s’agit plus seulement de clamer liberté et démocratie aux détours des ronds-points en dégustant un churrasco avec les copains mais bien de construire un projet politique viable pour le pays. Et pour ce faire, crier haro sur le tyran déchu, fustiger le Venezuela, Cuba et leurs dirigeants ne suffisent pas. La pacification du pays et la prospérité promises passent en premier lieu par un nouveau pouvoir capable de fédérer l'ensemble des Boliviens et de s’appuyer sur les réelles avancées du pays ces quinze dernières années : stabilité et même croissance économique, diminution de la pauvreté avec la mise en place d’une politique sociale redistributive, adoption d’une constitution reconnue par tous, prise en compte des minorités et des communautés indigènes, fierté regagnée au plan international… On attend avec une impatience mêlée de crainte les premières décisions du gouvernement issu des prochaines élections notamment en termes d’éducation, de santé publique, d’écologie, de gestion des ressources minières, de politique fiscale et salariale. On est curieux de savoir comment seront éradiqués les fléaux endémiques qui ravagent la Bolivie depuis 50 ans, injustement attribués au seul Evo, que sont la corruption et le narcotrafic.

S’il est élu,  Camacho se montrera-t-il à la hauteur du défi proposé ? Il serait bien naïf de croire qu’un riche entrepreneur de Santa Cruz biberonné à l’indigeste mixture libérale, séparatiste et un brin raciste de la région se transforme par l’opération du Saint-Esprit en gouvernant éclairé défenseur de l’intérêt général. L’exemple de l’échec du coup de barre à droite et les crises sociales en cours au Chili, en Argentine, au Pérou ou en Colombie n’ont à cet égard rien de bien rassurant.

Mais qui sait ? Le bloggeur, qui ne croît pas aux miracles, s’obstine à défendre le principe d’éducabilité cher à Philippe Meirieu. Pour Camacho, il est vrai qu’on part de loin. Aussi, ne saurait-on trop conseiller à ce cher Luis Fernando, pour se préparer aux responsabilités, de poser sur sa table de nuit d’autres ouvrages que la Bible…

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