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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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29 juin 2020

L'école bolivienne mise à distance

IMG-20200331-WA0026Contrairement à Jean-Michel Blanquer, Victor Hugo Cárdenas, le ministre bolivien de l’éducation, est resté avare de discours ou même de décision significative depuis le début de la crise sanitaire en mars dernier. Peut-être pas plus mal, pensera le lecteur français exaspéré par la frénésie médiatique et les annonces contradictoires du locataire de la rue de Grenelle pendant la période. Gageons que les acteurs et usagers du système éducatif bolivien ne partageront pas forcément cet avis au vu du chaos actuel dans lequel se débattent écoles, collèges et lycées boliviens qui ne doivent pas être très loin du record mondial de durée de fermeture. Cette semaine, le bon Victor Hugo, ancien vice-président du sinistre Goni contraint à l’exil aux États-Unis, est sorti de sa torpeur pour souffler le froid puis le glacial. Il a d’abord annoncé que le calendrier scolaire de l’année serait respecté mais que les établissements du pays n’avaient aucune chance de rouvrir avant son terme en décembre prochain. Puis il a balayé d’un revers de main la colère des nombreux parents du secteur privé en leur refusant toute remise supplémentaire sur les frais d’écolage. Un accord antérieur avait fixé ce rabais exceptionnel à un montant s’étageant entre 6 et 28 % selon les caractéristiques des unités éducatives (c’est comme ça qu’on dit en Bolivie).

L’ordinateur ou le vélo

Au regard de la composition sociale d’une Bolivie majoritairement démunie avec un tiers de la population vivant sous le taux de pauvreté, c’est l’école publique qui accueille près de 90 % des élèves. Point aveugle, avec le secteur de la santé, de la politique conduite par Evo Morales, le système éducatif bolivien souffre d’un sous-investissement chronique en termes de locaux et de matériel, avec des professeurs mal payés et mal formés, des programmes d’enseignement désuets et inadaptés. Sans surprise, il se trouve aussi en première ligne face à un virus qui ferme les classes et prive les élèves du contact direct avec un enseignant. Les incantations du ministre Cárdenas appelant au développement et à la généralisation de l’enseignement numérique se heurtent au dénuement et au sous-équipement d’une grande partie des familles. On estime que 60 % des familles boliviennes, sans ordinateur, sans argent pour acheter des forfaits Internet, passent à côté d’une éducation qui mérite bien son adjectif de virtuelle. Les professeurs, sans classe ni consignes, certains sans ordinateur, se débattent comme ils peuvent avec leur téléphone portable, certains prennent leur vélo pour faire le tour de leur quartier ou de leur village, rencontrer un peu leurs élèves pour les motiver, leur distribuer du matériel pédagogique. Mais c’est bien une année sans école qui se profile pour toute une jeunesse bolivienne qui n’avait pas besoin de ça.

maestro-bicicleta

Privés d’argent !

Du côté du privé, les problèmes sont différents mais la situation se tend de plus en plus. Les parents sont aussi des clients qui veulent en avoir pour leur argent. Certains d’entre eux, issus des classes moyennes, font un effort financier important pour permettre à leur enfant d’échapper à un secteur public qu’ils jugent défaillant. Et le compte n’y est pas forcément. Les temps d’enseignement à distance sont loin de compenser la présence effective des élèves dans les classes tant au niveau quantitatif que qualitatif. Ils sont soumis au caractère aléatoire du réseau Internet bolivien encore largement dépendant des conditions météo et du nombre de personnes connectées ! Pour compenser, les enseignants sont tentés d’accabler leurs élèves d'un travail à la maison qui met à contribution des parents peu habitués à accompagner d’aussi près la scolarité de leur enfant. Élèves déjà angoissés par l’interminable quarantaine mis doublement sous pression, parents déboussolés et confrontés à leurs carences éducatives, professeurs sur les nerfs accrochés à leur téléphone et à leurs écrans… Le tableau fait le bonheur des caricaturistes et des humoristes sur les réseaux sociaux. Mais au quatrième mois de « quarantaine », certains ne rigolent plus. Les associations de parents, qui réclament au moins 50 % de remise, ont commencé à manifester à La Paz, à Santa Cruz, à Cochabamba (voir ci-dessous). Beaucoup de parents ont suspendu d’eux-mêmes le paiement de leurs mensualités. Ce tarissement de ressources met en péril l’équilibre financier de nombreux établissements. A terme, il les obligerait à licencier des professeurs et condamnerait définitivement les moins solides. Problème de riches dans un pays pauvre, rétorquerez-vous à juste titre, mais cette situation est transposable dans de nombreux secteurs économiques paralysés par la pandémie depuis plus de trois mois. Même si, ici, le débat sur l’ouverture des écoles n’est pas directement lié à la reprise du travail. En Bolivie, les enfants suivent leurs parents au boulot, se gardent tout seuls ou sont confiés à une niñera (nounou) quand on a de quoi la payer !

Le lycée français de Santa Cruz, petit îlot francophone dans une Bolivie secouée par la tempête, n’est pas à l’abri de ces remous. Comme dans tous les colegios privados du pays, les parents râlent, demandent des comptes, rechignent à payer. Le modèle low cost d’enseignement du français à l’étranger par le biais d’établissements privés financés par les parents d’élèves, vanté et développé par le gouvernement Macron, trouve ici ses limites. Un simple virus saisonnier et le voilà qui tousse !

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