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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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13 juillet 2020

Eva et Jeanine toussent ensemble

las-presidentas-del-estado-y-del-senado-estn-enfrentadasSale temps pour l’état-major bolivien ! On a appris dans la semaine qu’Eva Copa et Jeanine Añez, respectivement présidentes du Sénat et de la République s’étaient placées d’elles-mêmes à l’isolement après avoir été déclarées positives au test Covid 19. C’est une véritable hécatombe qui sévit jusqu’au sommet de l’État plurinational. Le ministre de la présidence (l’équivalent du premier ministre), le ministre de l'économie, la (troisième) ministre de la santé et une dizaine de membres du gouvernement se sont déjà fait porter pâles en raison de l’épidémie. Une situation préoccupante qui témoigne de la propagation constante du virus, y compris dans le département de la Paz, siège du gouvernement, qu’on croyait jusque-là protégé par l’altitude et les rayonnements intenses du soleil à 4000 mètres.

L’ombre d’Evo

Pour paraphraser le grand philosophe du XXème Siècle Thierry Roland, pas sûr qu’Eva et Jeanine passent leur convalescence ensemble. La jeune présidente du Sénat, affiliée au Movimiento al socialismo (Mas), s’est fait remarquer depuis la démission de son chef de file par son indéniable courage politique et sa détermination tranquille à s’opposer par tous les moyens à la politique du gouvernement de transition (?). Profitant de la majorité conservée du parti d’Evo dans les deux chambres, Eva Copa et les députés et sénateurs du Mas ont défendu et fait voter un certain nombre de lois sociales bénéficiant aux catégories défavorisées en première ligne face au virus. Ainsi, l’obligation faite aux établissements de santé privés de créer des unités Covid ouvertes à tous avec remboursement des soins assurés par l’État ou la réduction de 50 % des loyers pendant toute la période de la pandémie. Ces prescriptions, qui font grincer des dents dans le camp libéral, ont l’inconvénient majeur d’être souvent inapplicables et non financées tant l’appareil d’État tout entier vacille sous les coups de boutoir du coronavirus. Après un certain nombre de mesures volontaristes et sociales bien accueillies, la présidente Añez semble avoir lâché le volant en même temps qu’elle se saisissait du bâton de pèlerin de candidate aux prochaines élections. Son dernier acte politique fort, la présentation d’un plan de relance basé sur des investissements importants de l’État en matière de voies de communication, de santé et d’immobilier revêt un caractère pour le moins surréaliste au vu de la situation économique du pays. Le gouvernement de choc composé en novembre dernier se disloque au gré des affaires de corruption (voir Respirador blues), des démissions inopinées, des défections dues au virus. Après avoir pris l’initiative d’une quarantaine nationale précoce appliquée au pays entier, à l’époque très peu touché, le gouvernement a délégué depuis la responsabilité du déconfinement aux régions. L’une après l’autre, contraintes par la vox populi, celles-ci ont assoupli les règles à travers une "quarantaine dynamique" qui autorise la reprise des commerces, des entreprises et des transports publics et privés. Ceci alors que les chiffres de la pandémie sont en croissance constante et que l’ensemble des unités d’urgence des hôpitaux du pays sont saturées. Seule réponse du gouvernement aux régions qui demandent en urgence des moyens supplémentaires pour faire face à la crise sanitaire, l’invocation récurrente à l’héritage catastrophique des 14 années de sous-investissement en matière de santé du gouvernement d’Evo Morales. Un ex-président que le pouvoir en place cherche toujours à traduire en justice malgré son exil, l'accusant de terrorisme (!) pour avoir supposément téléguidé par téléphone le blocage de certaines villes par ses partisans.

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Où va la Bolivie ?

Après cinq mois de paralysie presque complète et alors que le pic de l’épidémie est prévu pour septembre, le pays apparait comme démuni, divisé, sans perspectives. Il faut imaginer les conséquences sur les consciences et les mentalités boliviennes du bombardement médiatique ininterrompu sur un sujet unique et déprimant, de l'avalanche de vraies fausses nouvelles, de contre-vérités, de prescriptions contradictoires sur les réseaux sociaux. Mesurer l’impact d’une demi-année sans convivialité, sans échanges humains, sans école, sans fête, sans spectacle, sans culture. Pénétrer dans ces foyers qui vivent dans le dénuement, sans aide, sans information fiable, privés de leur gagne-pain et du soutien de leurs proches, de leur quartier, sans accès possible aux soins. Par ces temps troublés, l’individualisme, la bêtise, l’incrimination systématique d’autrui, la théorie du complot se portent plutôt bien. On a déjà évoqué la prolifération des charlatans et docteurs Maboul de tout poil (voir l’élixir du docteur Alex). Dans les cafés du commerce boliviens, aujourd’hui virtuels, c’est la thèse selon laquelle le virus ne serait qu’une création de toute pièce des puissants pour augmenter leur domination sur le bas peuple qui fait florès. Dans ce contexte délétère, la contamination de la présidente, pour l’heure asymptomatique, ouvre grand les fenêtres : applaudissements indécents, évocations d’une punition divine méritée ou d’un test positif imaginaire destiné à conforter la popularité en berne de la future candidate. Jeanine n’a pas l’air de s’en affecter. Masquée, elle salue élégamment les journalistes depuis la terrasse de la résidence où elle est confinée, puis leur présente son chien (voir ci-dessous). Peut-on compter sur la classe politique bolivienne actuelle pour sortir le pays de l’ornière ? La pente est forte et la route n’est même pas droite comme dirait un autre grand penseur français.

L’incarcération prolongée du bloggeur lui porterait-elle négativement sur le ciboulot ? Au lecteur de juger et de méditer cette histoire russe. C’est un pessimiste qui rencontre son ami optimiste et qui lui fait part de ses inquiétudes : "Tu as vu ? C’est insupportable, tout va mal !" "Oh ! Non, rassure-toi, lui répond l’optimiste, ça pourrait être bien pire !"

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