Despedida
Il y a un peu moins de 53 ans, le 7 octobre 1967, Ernesto Che Guevara écrit sans le savoir les dernières lignes de son Diario de Bolivia commencé onze mois plus tôt avec l'opération de guerrilla qu'il mène en Bolivie. Le lendemain, il est intercepté avec sa petite troupe par le bataillon de rangers boliviens qui le poursuit près du petit village de la Higuera, dans les contreforts des Andes, à 300 kilomètres de Santa Cruz. Le 9 octobre, le Che tombe sous les balles du sergent MarioTerán, dernier exécutant d’ordres venus d’en haut dont l’origine reste à ce jour controversée. En guise de despedida, il verra défiler, dans le petit lavoir de Vallegrande où son corps est exposé, la moitié des habitants du village venus saluer silencieusement sa dépouille figée dans une posture christique qui contribuera à le transformer en icône révolutionnaire.
Les dernières lignes de ce Diario chiquito sont loin de la charge émotionnelle et historique de celles de son illustre prédécesseur. Elles sont néanmoins écrites avec le pincement au cœur inévitable qui accompagne toute aventure ou projet humain qui se termine. Pour prendre congé dignement, l’espagnol a inventé le joli mot de despedida dont l'équivalent n’existe même pas dans la langue française. Sans doute ses locuteurs sont-ils un peu moins portés que les Latinos sur les moments rituels et symboliques. Célébrons donc ici comme il se doit la dernière chronique de ce blog qui prend fin en même temps que le séjour professionnel de son auteur appelé à rejoindre sous peu son petit Liré aquitain.
Près de 6500 visites, une vingtaine d’abonnés, une cinquantaine de fidèles lectrices et lecteurs. Qu’elles et ils soient ici remerciés chaleureusement. Le scribouilleur, fût-il occasionnel, rechigne à évangéliser des terres par trop arides et apprécie à sa juste valeur tout regard ami qui consent à parcourir sa production solitaire. Un merci particulier à celles et ceux qui ont poussé la bienveillance jusqu’à cliquer avec enthousiasme sur les grotesques pouces bleus qui ornent les bas de page, voire à distiller quelques commentaires de leur cru.
Tout au long de ces deux années, la Bolivie, ses habitants, sa culture, ses paysages ont fourni la matière des 76 chroniques et 19 albums. Une source d’inspiration foisonnante, plurielle et d’une richesse que ces quelques textes sont loin d’avoir épuisée. Le pays est toujours au cœur d’une séquence difficile et incertaine de son histoire. Puisse-t-il infléchir enfin son destin vers des lendemains à la hauteur de ses fantastiques ressources naturelles et humaines. A la fin du très beau film Tambien la lluvia d’Icíar Bollaín, un personnage qui retourne en Espagne interroge le héros bolivien du film, protagoniste du mouvement social connu comme La guerre de l’eau survenu à Cochabamba dans les années 2000. « Que vas-tu faire maintenant ? » « Comme d’habitude. Survivre ! »
Pronto volveré !