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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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25 août 2019

La guerre du feu

feu Chiquitania

La Chiquitania brûle. Cette vaste région située à l’Est de Santa Cruz, frontalière du Brésil, constitue un véritable joyau naturel et culturel. Elle bénéficie d'une bio-diversité unique qui trouve refuge dans le « bosque seco », éco-système particulier fait de petits arbres et de plantes tropicales adaptés au climat chaud et sec de la zone. C’est ici, à l’écart des voies de communication et des enjeux géo-politiques que les missionnaires jésuites arrivés dans les bagages espagnols et portugais ont inventé au XVIIIème Siècle une utopie respectueuse du mode de vie et de la culture des tribus autochtones guaranies dont témoignent encore aujourd’hui de simples et belles églises de bois restaurées avec soin. Nés au début juillet, sans doute à la faveur du « chaqueo », une pratique de nettoyage des parcelles par le feu habituelle dans cette région de culture et d’élevage, les incendies dévorent aujourd’hui plus de 500 000 hectares, soit la surface d’un département français comme les Bouches-du-Rhône, renforcés par une sécheresse de plus de trois mois et les vents violents qui faiblissent rarement en période hivernale.

Evo, grand Satan

Une sécheresse et une chaleur somme toute banales dans cette zone sub-tropicale et qui n’expliquent pas à elles seules, l’ampleur et la violence inédites d’un incendie qui provoque émotion et colère dans tout le pays. Dans une Bolivie en pleine campagne électorale et à fortiori dans un département de Santa Cruz vent debout contre la troisième candidature d’Evo Morales, c’est un tombereau d’attaques ad hominem, de mises en accusations lapidaires et de diatribes vindicatives qui s’abat sur le gouvernement en place, dans la presse comme sur les réseaux sociaux. Principal grief à l’endroit du camarade Président : Le décret signé en juillet dernier autorisant la pratique du chaqueo à des fins d’exploitation agricole à toute entreprise privée ou publique de Santa Cruz ou du Beni. Si cette autorisation existait déjà à Santa Cruz, son extension à 20 hectares dans une zone impossible à contrôler tombe bien mal. Evo la justifie en disant qu’elle permet à des des agriculteurs pauvres et sans moyens technologiques de désherber pour pouvoir nourrir leur famille. Pour ses détracteurs, il s’agit plutôt d’augmenter aux dépens de la forêt les surfaces agricoles consacrées au soja transgénique et autres céréales destinées à conforter l’auto-suffisance économique du pays, notamment par le développement du bio-diesel. Autre raison pour tomber à bras raccourcis sur Evo, son refus de recourir à l’aide internationale qui l’a conduit devant l’extension exponentielle des foyers d’incendie à recourir au plus grand avion tanker du monde, loué à grand frais à une entreprise privée de Sacramento. Une solution quelque peu étonnante, on en conviendra, pour un chantre de l’action publique doublé d’un ennemi juré du libéralisme états-unien !

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Edgar et les petits chats

Si Evo ne semble pas, loin de là, exempt de tout reproche, difficile pour le bloggeur de donner cours à toutes les allégations haineuses des opposants politiques dont certaines versent allégrement dans le procès d’intention ou même la fake news. Car le reponsable de l'incendie n'est pas seulement celui qui a frotté l'allumette. Pour comprendre ce qui se passe en Bolivie, au Brésil comme à Biarritz, on préférera, suivant la voie indiquée par Edgar Morin, emprunter les chemins moins immédiats d’une pensée un peu plus complexe, seule capable de décrypter les errements d’un monde globalisé qui scie consciencieusement la branche sur lequel il est assis. Le système financier mondial continue d’exiger une part de gâteau toujours plus grande, dictant sa loi aux gouvernements des pays riches comme  des pays pauvres, incapables de sortir du credo d’une course effrénée à la croissance. Une croissance qui ne peut perdurer qu’en puisant encore un peu plus dans les ressources d’une planète déjà exsangue : exploitation des ressources fossiles, développement de technologies, de modes de vie coûteux au plan environnemental pour conquérir de nouveaux marchés et déforestation pour trouver de nouvelles surfaces cultivables...

On pardonnera ce pessimisme mais la Chiquitania brûle et ce n’est pas gai… Heureusement, d’ici une semaine, le supertanker aura douché les incendies boliviens et le G 7 pris courageusement des mesures pour inverser la tendance…

Le Diario pourra enfin alors parler de petits chats,  ils sont si mignons !

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Commentaires
J
Très belle rentrée du Diario chiquito. Merci Phil. Article magnifique! Qui met en lumière à travers l'exemple bolivien les contradictions mortifères du capitalocène. Sa chute chaque jour accélérée risque d'être plus brutale que la plus pessimiste des prévisions des collapsologues...Aléa jacta est
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M
On avait dit " pas d'opinions personnelles trop exposées"...mais il faut avouer que dans cet enfer, il est difficile de garder sa colère sous cloche !! Bravo mon Phil, tu parles d'or et on ne peut que t'approuver..
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M
Un bel article, Philippe... vraiment.
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