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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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23 octobre 2019

Beau bordel en Bolivie

TED PotosiLa vérité du jour n’étant pas celle de la veille dans l’état plurinational, le diario abandonne provisoirement sa léthargie hebdomadaire pour basculer dans la frénésie de la presse quotidienne. Rappel des dernières heures pour celles et ceux qui zappent la page internationale du journal télévisé ou se focalisent exclusivement sur la composition de l’équipe du PSG pour son match contre Bruges.

Dimanche soir 20 octobre, 20 heures : Evo Morales est donné en tête du scrutin présidentiel sur la base d’un dispositif informatique fumeux baptisé TREP (transmission de résultats électoraux préliminaires) qui fonctionne en interprétant des photos d’actes de vote prises par des téléphones portables. Avec 44 % des suffrages, il ne devance son second Carlos Mesa que de 5 %, résultat qui ouvre la porte à un second tour à l’issue incertaine pour Evo. En effet le troisième larron, le populiste de droite Chi, réunit 8 % d’électeurs, certains peu enclins à se reporter sur Evo au deuxième tour. Qu’à cela ne tienne, le soir même, Evo se satisfait de sa victoire comme si les dés étaient jetés, fort de la majorité qu’on lui annonce au Parlement et au Sénat. Carlos Mesa, lui, invite bizarrement les électeurs à se mobiliser dans la rue dès le lendemain. Il côtoie Evo depuis longtemps et, en vieux renard politique, a sans doute senti ce qui se se profile et va s'avérer le jour suivant.

Lundi 21 octobre : Le pays reprend le cours normal de ses activités, la majorité des Boliviens, persuadée de retourner aux urnes en décembre, se livre aux traditionnels calculs d’apothicaire, essayant d’anticiper les reports de voix. On attend longtemps, très longtemps, la proclamation des résultats officiels par le Tribunal Suprême électoral (TSE). On peut le comprendre, la Bolivie est un grand pays à la géographie compliquée et aux voies de communication insuffisantes. L’acheminement des urnes, le dépouillement manuel de chacun des bulletins avec 9 candidats, les vérifications indispensables prennent beaucoup de temps. Les chaînes de télé, les réseaux sociaux relaient des informations inquiétantes : découverte d’une pièce pleine d’urnes fermées à Potosi, témoignages d’électeurs n’ayant pas pu voter car déjà pointés sur les listes… En fin de journée, c’est une bombe que délivre le TSE en dévoilant les résultats de ce qu’il nomme un « comptage rapide » portant sur 95 % des voix. 46,41 % pour Evo,  37,07 pour Carlos Mesa. Avec en attente les votes des campagnes les plus reculées qui lui sont forcément favorables, Evo serait quasi assuré de passer dès le premier tour grâce à la clause des 10 % d’avance (voir un long dimanche d’élections).

Dès cette annonce, c’est l’explosion de colère aux quatre coins du pays : manifestation houleuse à La Paz entre pro et anti-Evo avec un recteur d’université blessé, tribunal départemental électoral incendié à Sucre, émeutes à Potosi,  manifestation monstre à Santa Cruz devant le pavillon de Fexpocruz où l’on procède au dépouillement.

Mardi 22 octobre : La Bolivie se réveille déçue, furieuse, prête à en découdre et toujours dans l’incertitude puisque les résultats définitifs n’ont pas encore été annoncés. Silence radio du côté du Mas et d’Evo qui envoie ses sous-fifres faire des déclarations convenues sur le nécessaire respect du suffrage universel. Pour ses opposants, c’est le branle-bas de combat. De nombreuses manifestations spontanées éclatent à Sucre, Oruro, Santa Cruz. Dans cette ville les leaders des « comités civiques » ( Bolivia Dijo no) lancent dès la mi-journée un appel à un « paro civico » indéfini pour le mercredi 0 heures avec la volonté de bloquer la ville, la région et si possible tout le pays.

Si Evo crie victoire trop tôt, l’opposition va elle aussi un peu vite en besogne en réclamant le deuxième tour. Les résultats officiels du premier n’ont pas été déclarés !  Les 230 observateurs étrangers dépêchés pour juger du bon déroulement démocratique des élections émettent de sérieux doutes sur la validité du scrutin en s’étonnant de l’évolution étonnante des résultats partiels annoncés. On en est là et bien malin qui peut dire de quoi demain sera fait.

Un dictateur aveuglé ?

Le bloggeur, au fil des heures de vol qu’il accumule, aurait progressivement tendance à préférer avec pragmatisme un dictateur éclairé  à un pseudo-démocrate aveuglé par le libéralisme. Mais là, il semblerait qu’Evo Morales pousse le bouchon un peu trop loin. Il aurait pu se racheter au plan démocratique en participant avec dignité au deuxième tour contre le peu vindicatif Carlos Mesa, qui traîne de surcroît lui aussi quelques casseroles. En tripatouillant ces élections, il vient de commettre une deuxième grave erreur politique (après le 21 F) dont il aura du mal à se relever. Reconnaître des irrégularités dans l’organisation du scrutin conduirait à de nouvelles élections pour lesquelles il n’aurait aucune chance. Quant à Carlos Mesa, vieux cheval de retour qui s’est racheté une virginité dans l’opposition à Evo, s'il veut gagner le second tour éventuel, il doit déjà pactiser avec le dangereux Chi, douteux démocrate au programme réactionnaire. S’il est élu, il ne pourra longtemps compter sur le soutien de la population indigène, principalement celle de l’Ouest et du Chaparé qui doit à Evo une sortie partielle de la pauvreté. Renouant avec le programme libéral, il pourrait bien précipiter une instabilité économique dont la Bolivie était sortie à grand peine, ceci dans un contexte latino-américain où les pays voisins s’enfoncent dans la crise les uns après les autres.

A suivre donc, avec une curiosité mêlée de crainte tant l’affrontement qui s’annonce risque de faire exploser le pacte social fragile entre indigènes de l'Ouest et riches criollos de l’Est, pour faire vite. Quand la tension sociale monte et que les débouchés politiques sont dans l’impasse, on sait trop bien qui en profite pour s’engouffrer dans la voie laissée libre...

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Commentaires
C
https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/les-enjeux-internationaux-emission-du-mercredi-23-octobre-2019?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR1I-uzYjPhhEhG8fjA00Gzb6blx3hbuUJ1eBeDL7g1e89hB8LR-ygh7xuY#Echobox=1571845740
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F
Et c'est qui qui va choper le Albert Londres ?<br /> <br /> Abrazo, amigo
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C
Caramba, ça barde en AmSud ! Chili, Equateur, Venezuela, Argentine et maintenant Bolivie !
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