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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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11 novembre 2019

Ciao Evo !

DSC_1112Dimanche 10 novembre, sans même attendre le jour de l’armistice, le président Evo Morales, aux côtés du « vice » Alvaro Garcia Linera annonce sa démission à la télévision. Les traits tirés, la voix éteinte, il trouve néanmoins d’ultimes ressources pour défendre le bilan de presque 14 ans de pouvoir tout en dénonçant le « coup d’état » dont il est victime. Pas d’excuses, ni de remords, si Evo démissionne c’est pour préserver ses proches, sa famille, ses collaborateurs victimes de menaces et même d’exactions durant cette dernière quinzaine post-élections ou le pays tout entier sent peu à peu que la page se tourne.

Rendez-vous, vous êtes cernés !

Depuis deux jours, c’est l’hallali pour celui que ses opposants appellent le tyran, le dictateur. Vendredi 8 novembre, alors que la plupart des villes du pays sont toujours paralysées par les blocages organisés par les collectifs de citoyens, c’est la police nationale qui  lâche le gouvernement. Le mouvement de mutinerie policière né à Cochabamba s’étend comme une traînée de poudre à Potosi, Sucre, Oruro, Tarija, dans le Beni et à Santa Cruz, encouragé par des rassemblements populaires devant les commissariats qui enjoignent la flicaille à rallier l’opposition. Les policiers grimpent sur les toits de leur casernement, défilent en ville aux côtés des manifestants, le visage souvent prudemment dissimulé sous un masque. Les commandants réfractaires sont contraints à la démission, leurs remplaçants s’empressent de déclarer leur refus de réprimer le mouvement populaire et autorisent leurs hommes à rester confinés dans leurs casernes jusqu’à la démission d’Evo. On se croirait dans la (mauvaise) chanson de Renaud « J’ai embrassé un flic » : les comités civiques saluent les cognes de leurs vivats, leur distribuent friandises et sodas et les étreignent comme du bon pain. Pour un peu, ils oublieraient qu’à peine un mois plus tôt, ils vitupéraient la corruption des policiers, leur compromission avec le narcotrafic, leur inefficacité face à la criminalité ordinaire et aux accidents routiers…

Le lendemain, samedi 9 novembre, c’est la police de la capitale La Paz qui bascule dans la sédition, y compris la redoutable UTOP (Unité des opérations de police tactique), chargée de faire respecter l’ordre Place Murillo autour du palais présidentiel. Le champ est libre pour le grand mouvement populaire cher à Luis Fernando Camacho, venu remettre sa fameuse lettre à Evo. Plus de protection policière, le soutien des étudiants de La Paz mais aussi de ceux de l’Université publique d’El Alto et la convergence de nombreux convois de comités civiques venus de tout le pays clamer leur mécontentement. En fin de journée, nouveau coup de théâtre, le commandant des forces armées, qu’on disait fidèle à Evo, fait une déclaration solennelle devant la presse et affirme qu’en aucun cas, l’armée n’acceptera de s’opposer au peuple bolivien.

Voilà, c’est fini…

Dimanche 10 novembre : Evo est aux abois. L’Organisation des états américains (OEA) lui porte le coup de grâce. Elle communique un premier avis partiel relevant l’irrégularité des élections et préconisant un nouveau scrutin. Acculé, le Président accepte la proposition et en appelle à la pacification du pays. C’est d’autant plus nécessaire que le convoi de manifestants en provenance de Potosi a été salement intercepté par une bande de paysans (?) munis d’armes à feu qui ont complétement détruit les véhicules et blessé gravement trois personnes. La proposition d’Evo vient trop tard. Elle est refusée par tous, y compris par Carlos Mesa, qui réitère le mot d’ordre de démission d’Evo. Le centre-ville de La Paz est abandonné aux forces de l’opposition : Luis Fernando Camacho et le c-renuncia-camacho-pumari-402320-E76DPrésident du comité civique de Potosi y paradent sous les acclamations. Le Cruceño peut même en fin de soirée mettre en application son engagement pris lundi dernier dans sa ville. Vers 16 heures, il pénètre dans le Palais quemado déserté et y dépose solennellement sa lettre, disposée sur le drapeau bolivien aux côtés de la bible (voir ci-contre). Du côté du gouvernement et du MAS, c’est panique à bord. Les maires, les députés, les ministres démissionnent les uns après les autres. Il faut dire que forts de leur succès, les sympathisants des comités civiques s’en prennent à leurs biens personnels, leurs familles, leurs habitations. Comme souvent dans l’Histoire, il ne fait pas bon être du côté des perdants. La chasse aux sorcières est lancée, le procureur national vient de délivrer un mandat pour appréhender les présidents et les porte-parole des tribunaux électoraux accusés de tricherie. Pour cette occasion, les policiers reprennent avec enthousiasme leur service pour aller coffrer manu-militari les premiers boucs-émissaires de la colère populaire…

16h 30, chacun sent confusément que c’est la fin. Des images dévoilent l’avion présidentiel qui décolle de l’aéroport d’El Alto La Paz. Quelques minutes plus tard, une vidéo montre Evo débarquant sur le petit aéroport de Chimoré, au cœur de son fief du Chaparé.

Ce soir Santa Cruz festoie et des supporters d'Evo dépités saccagent La Paz mais pour la Bolivie, c’est le saut dans l’inconnu. Tout reste à faire, à construire. Pour une analyse plus engagée, merci au lecteur de patienter encore un peu. Histoire de voir comment le vent tourne…

P1060078 (2)

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Commentaires
E
Merci Christian ! Nécessaires dans la période, de telles analyses qui savent prendre un peu de recul...
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C
https://blogs.mediapart.fr/pablo-stefanoni/blog/141119/bolivie-comment-evo-est-tombe
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C
Ouh la la ! Quel pataquès !
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