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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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27 mai 2019

Ripailles au Piraï

Bolivie-5

Santa Cruz de la Sierra, fondée en 1561 par le conquistador Ñuflo de Chavez qui lui donna le nom de sa ville de naissance en Estrémadure, se situait à l’origine à quelques 200 kilomètres à l’est de son emplacement actuel. Les premiers habitants, rapidement orphelins de leur père fondateur zigouillé par les autochtones, furent confrontés en guise d’eldorado à l’inimitié des populations locales et au climat inhospitalier de la région. Dès 1622, ils choisissent donc de transférer leurs pénates au pied des Andes sur les rives plus accueillantes du rio Piraï, un affluent du bassin amazonien, jetant ainsi les bases de la cité aujourd’hui la plus peuplée de Bolivie. Le terme « accueillantes » est ici à évaluer à l'aune du standard de la rivière tropicale, tantôt filet d’eau marronnasse en période de sécheresse, tantôt flot tumultueux et sauvage rugissant sur 500 mètres de large quand le ciel lâche une bonne douche. Franchir ce cours d'eau schizophrène n’a rien d’aisé. Pour l’heure, un seul pont réussit cet exploit, emprunté  par les Cruceños fortunés qui ont élu domicile dans les somptueux condominios situés sur l’autre rive, dont quelques-uns sont édifiés au bord d’une des plus grandes lagunes artificielles du monde. Naturellement exclu de ce projet digne des émirats, le camba d’extraction plus modeste, à défaut de pouvoir goûter aux joies de la baignade dans sa piscine privative, a néanmoins l’habitude de venir se rafraîchir en famille au bord du rio, dans un lieu populaire très fréquenté en fin de semaine et dénommé las cabañas del Piray.

Un dimanche aux cabañasXVGI7369

Difficile de pratiquer la natation sportive ou de se préparer au triathlon dans une rivière le plus souvent très basse, mais ça ne vient même pas à l’idée de la plupart des baigneurs du dimanche, dont le projet se limite à trempouiller vautrés dans l’eau tiède en sirotant des sodas tout en surveillant du coin de l’œil la progéniture qui s’éclabousse ou joue au ballon. On trouve ici un condensé de l’art de vivre local, fait d’hédonisme et de nonchalance, de débrouillardise et de sens pratique aussi quand il s’agit de s’abriter du soleil avec trois branches et une bâche en plastique sans même le concours de Décathlon. Sans oublier un exercice des libertés individuelles qui s’assoit sans aucune gêne sur le respect des autres : voitures garées à deux mètres de la rivière, démonstration vrombissante de quads ou de motos sans une pensée pour ceux qui font la sieste ou pique-niquent sur le sable, enceintes survitaminées crachant du reggaeton à deux kilomètres à la ronde…

Avec modération…

Autre religion locale, la bonne chère et de ce côté bien sûr tout est prévu… Le long de l’allée qui mène à la rivière, s’échelonnent les fameuses cabañas où l’on propose toutes les spécialités culinaires de l’Oriente. Là, à l’ombre des toits de palme, on pourra se régaler d’une sopa de mani (soupe de cacahuètes, délicieux), d’un majado de pato (viande de canard servie avec un œuf frit et duP1050914 riz aux épices) ou d’un pacumutu (filet de bœuf grillé, tomates, poivrons, oignons, jus de citron, sauce de soja). Pour un petit en-cas, on se contentera de s’arrêter près d’un brasero où l’on prépare au feu de bois des zonzos (rouleaux grillés au fromage et à la farine de manioc) ou des cuñapés (petits pains ronds au fromage). Pour le service, on fera avec la nonchalance décrite plus haut et on oubliera un peu les références de l’école hôtelière française. Heureusement, on pourra patienter au son des tamborradas ou des flûtes de Santa Cruz, d’autant plus appréciables qu’elles s’arrêtent au bout d’un moment quand les musiciens sont fatigués ou leur chapeau pas assez rempli…

Beaucoup de cruceños déconseillent les cabañas du Piraï qui seraient mal fréquentées et périlleuses à mesure que s’avance la soirée. Pour l’instant le seul danger qu’a perçu le bloggeur, adepte assidu de l’endroit situé tout près de chez lui, c’est le mal de tête qu’il ramène à la maison en revenant. La musique ou la cerveza, une autre spécialité locale ?

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