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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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25 novembre 2019

La cosmogonie andine zombie

TinkuDans un ouvrage datant de 2013, « Le mystère français », le démographe Emmanuel Todd, montre, statistiques à l’appui, comment  les racines culturelles et spirituelles d’une communauté déterminent le destin individuel de ses membres pendant des années, voire des siècles. « Quoi ?», articule, interloqué, le lecteur courageux qui a déjà fait l’exploit de passer outre le titre résolument abscons de cette chronique. Prenons un exemple tiré de l’excellent ouvrage susmentionné : la Bretagne se caractérisait il y a plus de 50 ans par une pratique majoritaire et assidue des rites et des usages de la religion catholique. Aujourd’hui, comme partout en France, les églises sont désertes et on mange du steak-frites le vendredi à Paimpol comme à Pornichet. Pourtant les résultats d’ensemble des jeunes bretons au baccalauréat sont parmi les meilleurs de France. « Pourquoi donc et quel rapport avec le kouign amann ? » Poursuit notre lecteur en limite de décrochage. Pour Emmanuel Todd, les valeurs traditionnelles des familles catholiques telles que l’attachement à des qualités morales (le goût de l’effort, l’obéissance…) y compris la volonté d’accompagner et de soutenir les parcours scolaires des enfants le plus longtemps possible perdurent et expliquent cet avantage  scolaire même si la pratique de la religion est devenue marginale. C’est ce qu’il appelle le « catholicisme zombie » et notre lecteur, qui vient enfin de comprendre le titre, reprend espoir.

Le mauvais coup du père François

Nul besoin d’ouvrir des tombes pour trouver trace du catholicisme en Bolivie. Plus de 90 % de la population est pratiquante. La crise actuelle a montré que la laïcité dont se revendique l’actuelle constitution bolivienne n’empêche nullement les comités civiques de Santa Cruz d’organiser une messe au milieu d’une manifestation revendicative ou la Présidente par intérim Jeanine Añez de célébrer son intronisation la Bible à la main sans que grand monde ne soit choqué. Une des grandes réussites de la poignée de soudards dépenaillés qui ont débarqué sur les terres d’Amérique il y a cinq siècles aura été d’imposer sans coup férir la religion de Marie. Un succès qui dure et qui prend même un coup de jeune ces derniers temps avec un locataire argentin au Vatican et le développement exponentiel des églises évangélistes et de leurs dérivés divers (dont les établissements d’enseignement privés) aux quatre coins du continent. Si l’on ne discerne pas immédiatement les valeurs chrétiennes d’humilité, de tolérance, de pardon et de fraternité en se promenant dans Santa Cruz, on tombe sur la figure du Christ à chaque coin de rue et sur chaque pare-brise. Les églises font le plein en fin de semaine, tout comme d’ailleurs le ventre de nombreuses (très) jeunes filles qui démontrent que les préceptes du pape François sont ici rigoureusement appliqués.

L’actu à la sauce andine

Comme déjà évoqué dans ces colonnes, c’est la surprenante façon de concilier ce catholicisme-roi avec les rites ancestraux de l’ère précolombienne  qui étonne chez les populations indigènes. Ces rites, érigés au rang de patrimoine national par Evo et dont l’étude figure dans les programmes scolaires, sont malgré tout en recul hormis dans les zones rurales et au sein de certaines communautés. Pourtant la cosmogonie andine millénaire n’a pas dit son dernier mot et elle resurgit du passé comme pour éclairer l’actualité bolivienne.

La fraude, les mensonges, les fake news : ils font exister la vérité car toute chose a besoin de ses deux faces, d’une balance, d’un équilibre, pour prendre corps.

Les affrontements, les pierres jetées, les bâtons de dynamite : une déclinaison du tinku, le célèbre affrontement rituel des hauts-plateaux où le combat entre membres de deux communautés doit aller jusqu’au sang pour contenter la Pacha Mama et garantir la fertilité et la prospérité à venir.

Les morts, les enterrements, les martyrs : La communication naturelle, normale entre Uku pacha le monde souterrain des défunts et Kay pacha le monde des vivants qui forment avec Hanan pacha , le ciel, les trois parties d’un même univers.

La pacification du pays qui avance, le déroulement et l’organisation des élections finalement votées à l’unanimité le 24 novembre par les deux assemblées (dont les élus du MAS) : les enseignements de l’Ayllu, la communauté traditionnelle andine qui favorise toujours le collectif sur l’individu, cherche l’intérêt supérieur du groupe.

 A suivre…

DIPUTADOS

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