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Diario (chiquito) de Bolivia
Journal bolivien subjectif et aléatoire
Suivez le FIL : en alternance , une Figure, une Idée, un Lieu en quasi-direct de l'état plurinational
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27 avril 2020

Parlez-vous bolivien ?

P1050880Pour l’expatrié français posant le pied sur le sol bolivien, simplement armé du bagage minimal transmis à grand peine par son professeur d’espagnol des années lycée ou pioché dans les bars à tapas de San Sebastian, le choc linguistique peut-être rude. A La Paz et dans la partie andine du pays, le phrasé lent et articulé des autochtones peut lui sauver la mise. Rien de tel à Santa Cruz, dont les habitants, sans doute influencés par leur indolence toute tropicale et le parler traînant des voisins brésiliens, ont le plus grand mal à prononcer correctement les consonnes comme à prendre la peine de formuler les mots jusqu’à leur terme.

Comme tous les pays d’Amérique latine qui, depuis plus de cinq siècles de pratique, ont eu le temps de cuisiner la langue espagnole avec des ingrédients du cru, la Bolivie a développé un certain nombre de particularités langagières. Si celles-ci mettent en difficulté le voyageur, elles permettent d’identifier à coup sûr le citoyen bolivien en goguette à Madrid, Santiago, Buenos Aires ou Mexico. Petit cours express de bolivien donc, à l’usage de l’hispanophone approximatif.

Ya papito !

On connaît le vale ibérique assortissant le propos tenu d’une nuance interrogative, ou marquant son assentiment à son interlocuteur. Pas de ça en Bolivie qui y substitue l’usage sans modération du ya (prononcez yaaa !) qui peut vouloir dire tout et n’importe quoi selon le contexte et l’intonation : oui, c’est ça, quoi ? très bien ! c’est pas vrai… Autre locution passe-partout, incontournable à La Paz, le No Ve ? qui ne sert pas à grand-chose si ce n’est à vérifier que la personne qui vous écoute est bien attentive et l’appeler à réagir à la manière du You know des Américains. Au pays camba, c’est plutôt le pues (puis, alors, donc) qui joue le même rôle, employé à tout bout de champ pour ponctuer chaque phrase, même si, tout bon cruzeño étant incapable de prononcer un s à la fin d’un mot, on entendra plutôt quelque chose qui ressemble à puej ou à pueh ! L’espagnol en Bolivie doit se coltiner la concurrence féroce des langues indigènes du pays, dont les principales : le quechua, l’aymara et le guarani continuent à être parlées dans les campagnes. Elles sont même de nouveau enseignées à l’école depuis la constitution de 2009. Les mélanges et les emprunts sont donc fréquents entre toutes ces langues bien vivantes. On a d’ailleurs inventé un terme, le quechuañol, pour l’espèce de gloubi-boulga parlé dans certains villages andins où les populations mélangent allègrement leur langue maternelle avec le castillan appris à l’école. Ainsi pour parler d’un bébé, c’est le terme wawa (ou guagua) qui reviendra le plus souvent affublé du suffixe espagnol ita pour faire le très mignon wawita ! (prononcer ouaouita ). Car les peuples andins se sont appropriés avec délectation l’usage du diminutif castillan (ito, ita, illo, illa) pour l’accommoder à toutes les sauces outrepassant largement l’usage qui en est fait en Espagne. Papito ! Mamita ! Jovencito (petit père, petite mère, petit jeune), serviront aux cholitas du marché pour apostropher le chaland. Plus étonnant, l'emploi généralisé de ahorita pour ahora (petit maintenant !) ou rapidito (petit rapidement !). A Santa Cruz, on s’est même permis de créer un diminutif maison : ingo ou inga.

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Lexique de survie en milieu urbain

Cessons là l’exposé linguistique pour rentrer dans un domaine un peu plus affriolant et néanmoins indispensable pour peu qu’on ait à affronter, comme piéton ou cycliste, l’infernal trafic de Santa Cruz ou comme pratiquant occasionnel de football, l’agressivité légendaire des défenseurs latinos. Le catalogue des insultes et autres grossièretés disponible en Bolivie est suffisamment riche et fleuri pour y choisir le mot approprié à la plupart des situations. Dans les rues de Santa Cruz, le classique mierda ! deviendra ici plutôt pucha ! pour traduire son dépit mais on n’hésitera pas à laisser aller ses inclinations racistes en traitant de colla de mierda ou de guarayo le conducteur un peu trop negrito qui vous aura coupé la route. Comme partout dans le monde, les doutes qu’on peut émettre sur l’honorabilité de la mère d’un chauffeur trop lent pourront se traduire par le classique hijo de la gran puta  bien senti, voire par un mal parido ! Et oui le machisme latino n’est pas un vain mot, tout comme l’homophobie latente qui fait fleurir les maricón ! trolo ! mariposa ! lechuguín ! au moindre tacle appuyé sur les terrains de football. Attention au contre-sens, le boludo qui sert à qualifier affectueusement un pote en Argentine devient véritablement un imbécile en Bolivie tout comme le très local opa ! A l’inverse le pendejo qualifie ici une personne astucieuse alors que pour les colombiens c’est un abruti. Indispensable cerise sur le gâteau, le vocabulaire à connotation sexuelle se révèle, on s’en doute, d’une inépuisable richesse, on y puise entre autres concha de tu madre !, le classique huevón ! (couillon) en passant  par vete a la verga ! Ce dernier attribut masculin prenant aussi en Bolivie le charmant patronyme de pichi.

Cette première approche sur un sujet bien vaste s’arrêtera là pour éviter au lecteur toute surcharge cognitive. Ah ! Une dernière chose : un petit exercice pratique de traduction, histoire de vérifier les connaissances fraîchement acquises.

¡ Pues que se vaya a la verga este hijo de la gran puta de coronavirus ! ¿ No ve ?

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